La légende raconte comment un mage, autrefois, parvint à consoler un peu l’empereur du chagrin profond où l’avait laissé la mort de la femme qu’il aimait. Dans l’obscurité, il fit apparaître sous ses yeux la silhouette de la belle courtisane disparue. Ainsi naquit l’art du "Pi Ying Xi", auquel, en Occident, nous donnons le nom d’"ombres chinoises" et dont la tradition se perpétue jusqu’à aujourd’hui. Car chacun d’entre nous, dans la nuit où il vit, cherche à retrouver l’ombre de ce qu’il a perdu. Un message mystérieux, parfois, nous met à notre insu sur la piste. Le monde se métamorphose alors en un labyrinthe au sein duquel se multiplient les signes et où tout prend un air étrange de "déjà-vu". Un jour, dans le quartier chinois de la capitale européenne où il s’est installé, un homme reçoit un énigmatique appel à l’aide qui, sans qu’il sache pourquoi, va le conduire à l’autre bout de la planète, du côté de Shanghai, de Nanjing et de Beijing. Dans cette Chine qu’il découvre, qu’il ne connaît pas, qu’il ne comprend pas, tout lui parle pourtant de ce que, jadis, il a lui-même vécu et qui, singulièrement, se met ainsi à exister pour la seconde fois. Sous la forme d’une fable semblable à celles que proposaient ses romans les plus récents — Le chat de Schrödinger ou L’oubli —, Philippe Forest renoue avec l’inspiration de ses premiers livres — L’enfant éternel et surtout Sarinagara — pour lesquels, il y a une vingtaine d’années, il a été salué comme l’un des principaux écrivains français d’aujourd’hui. Entraînant le lecteur vers une Chine rêvée où le présent se mêle au passé, lâchant la proie pour l’ombre — comme le voulait un poète —, il donne une suite à ce long roman de désir et de deuil que compose son œuvre.